" Femmes en quêtes de terre "

 


Résumé :

Samira, jeune algérienne, a réussi à avoir un visa pour la France. Son but, partir en Angleterre pour retrouver H’san, l’homme qu’elle aime. En attendant de le rejoindre à Londres, elle est hébergée à Paris par sa cousine Nafissa. Celle-ci essaie désespérément de l’aider à partir afin de s’en débarrasser.

Après quelques tentatives malheureuses, Samira finit par trouver un travail dans le 16è à Paris, elle devient « assistante de vie » auprès de MarieLouise,une vieille dame frappée par la maladie d’Alzheimer. Marie-Louise est la mère de Véronique et Pauline, deux brillantes avocates et maîtresses d’un vieux chien, Peter.

A travers ces deux univers que tout oppose, Samira va découvrir une réalité qu’elle ne soupçonnait pas, celle de l’exil.
 


 

L'auteur et interprète: Nadia KACI

  "Ma première expérience professionnelle à Paris a été un travail alimentaire qui consistait à prendre soin d’une dame qui avait la maladie d’Alzheimer. Cet univers m’a beaucoup impressionné. Il m’a appris sur les autres, mais aussi sur moi-même.

Plus tard, lorsque j’ai décidé d’écrire cette pièce, j’ai souhaité pousser certaines situations jusqu’à l'absurde en étant confiante sur la nature humaine.

Le genre humain a certainement beaucoup d’endurance, sinon il n’aurait pas survécu.

J’ai voulu parler du désir de se construire, de se réaliser. Du poids de la culpabilité. S’être éloignée d’une vie souvent lourde d’angoisse dans un pays en crise. Abandonner sa famille, son peuple. Abandonner ses convictions et puis s’en recréer d’autres. Et, à propos de l’expression
« la vie ne peut être que meilleure ailleurs », faire la part des choses. Grandir, en somme.

Et puis, il y a toutes ces personnes dont Samira fait partie : physiquement présentes, officiellement inexistantes. A qui l'on fait croire que leurs présences est un poids, alors, elles déchargent humblement cette société des tâches dont personne ne veut.

Samira découvre aussi à travers Véronique, Pauline, Marie-Louise et Peter un univers dont elle n’avait pas conscience, celui de la solitude. La leur, mais aussi la sienne.

Tout cela ne pouvait être traité sans humour.

S’ils sont opposés, pour moi, tous ces personnages ne forment au final qu’un seul être. Un petit état d’humanité."

Le metteur en scène: Nicolas DELETOILLE

  "J’ai rencontré Nadia Kaci à Alger sur le tournage de « Viva L’Aldjérie », film de Nadir Moknèche. Pour la première fois depuis des années, le tournage d’un long métrage se déroulait dans Alger. Nous ressentions très physiquement l'exaltante vitalité d’une jeunesse exprimant la volonté de se construire un avenir, quelqu’en soient les moyens.

Il est apparu à Nadia la nécessité d’écrire un texte qui nous dévoile le mal de vivre de cette jeunesse qui quitte le pays. Le sujet s’est enrichi du choix de la protagoniste : Samira, une jeune femme, qui ajoute au handicap d’être jeune celui d’être femme.

La France est pour elle une étape vers Londres où l’attend son fiancé. L’étape se prolonge, l’élan se brise, et sa tante, qu’elle envahit, doit lui trouver un travail au service d’une vieille femme diminuée, dans le 16ème arrondissement de Paris.

Avec ces mots très simples, venus tout droit de sa propre expérience, avec l’humour et la dérision que les Algériens ont sur eux même, Nadia parle de ce voyage interrompu, de la mémoire de la jeune femme qui fait mal, de la mémoire de la vieille femme qui déraille.

Au milieu de cet univers lourd pétille la légèreté du petit compagnon Peter, le chien sans souci de la maison.

La scénographie prend le parti de la légèreté et de l’évocation. Des images originales, des objets au service du jeu, sont proposés en contrepoint du récit pour en révéler les saveurs et les couleurs, pour en libérer l’émotion sans s’enfermer dans des clichés.  

Le jeu n’utilise pas le biais de l’illustration mais trouve un mode de représentation du texte qui en démultiplie toute la  poésie l’humour et  la cruauté.


Le producteur: Paul EUZIERE - président du FTM

  La création de "Femmes en quête de terres" est intervenue en 2003, décrétée officiellement « Année de l’Algérie en France ».
Pour le Festival TransMéditerranée comme pour nos partenaires, il ne s’agissait pas de prendre part formellement à une année « officielle » - forcément balisée par nombre de considérants diplomatiques et protocolaires mais de poursuivre une démarche de découverte, de partenariats et de solidarité avec la création algérienne d’outre-Méditerranée et de France, dans toute sa richesse.

On le sait - et on le dit trop peu en dépit de grands noms de la littérature, du cinéma et de la culture pourtant établis parmi nous - l’Algérie et sa diaspora, notamment en France, foisonnent de créateurs de très haut niveau qui participent de l’enrichissement de notre patrimoine et du patrimoine universel. Notre volonté, à l’occasion de cette année, est de rappeler toute la richesse de leurs œuvres ; mais aussi de faire découvrir ceux qui sont, sans tapage, en train de prendre la relève et qu’il nous revient de faire connaître et aimer.

Nadia Kaci, le festival TransMéditerranée l’a d’abord rencontrée et appréciée dans ses dimensions de comédienne, de femme et d’Algérienne en 1994.

Elle venait de jouer le premier rôle dans « Bab-El-Oued City », film de Merzak Allouache réalisateur entre autre, de « Omar Gatlato » et dernièrement de « Chouchou ».

On l’a retrouvée l’année suivante, invitée au Festival International du Film de Cannes, pour témoigner à partir du film de Rachid Benhadj « Touchia, le cantique des Femmes » de son exigence d’Algérienne et d’artiste de pouvoir assumer pleinement et librement sa vie de femme et de comédienne.

En décidant la création de la pièce de Nadia Kaci « Femmes en quête de Terres », avec le concours des Régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, de la CCAS des Electriciens et Gaziers et du Fond d’Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations, le Festival TransMéditerranée entend donc promouvoir un texte de grande qualité d’écriture en même temps qu’une comédienne dont le talent a
été salué par la critique et apprécié par des réalisateurs de dimension internationale tels que : Bertrand Tavernier, Nouri Bouzid, Nadir Moknèche…..

On a encore pu le mesurer, à l’occasion de la projection sur Arte de « Nationale 7 » où Nadia Kaci joue
de façon particulièrement bouleversante le rôle principal, celui de Julie, assistante sociale dans un foyer
de handicapés, confrontée à la question difficile et  taboue d’une sexualité étouffée.

« Je crois que les femmes de chez nous sont en train de percer – expliquait en 1986 l’écrivain et dramaturge Kateb Yacine – et qu’elles nous réservent encore bien des surprises ».

Nadia Kaci est une de ces surprises, heureuses, que prophétisait l’écrivain.

Sa pièce à plusieurs voix où elle réussit le tour de force d’être l’unique interprète de personnages très différents porte sur une problématique de tous les temps et tous les continents : l’exil, la solitude et la rencontre de l’Autre. Un Autre forcément différent par ses habitudes et sa culture, encore plus lorsqu’il prend le visage d’une femme aisée, vivant à Paris, atteinte de la maladie d’Alzheimer autour de laquelle se croisent ses deux filles et Samira.
Par un inévitable jeu de miroirs, cette découverte de l’Autre conduit à la découverte de soi-même et de cette solitude -de l’exilée comme de la malade- qui fonde la vie de chaque être humain et en est le corollaire.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’approche de ces questions douloureuses, si elle est finalement poignante, n’est jamais lourde. Au contraire, Nadia Kaci en montre avec beaucoup de finesse et un incontestable humour l’absurdité kafkaienne et la cocasserie. On trouve dans sa pièce comme un écho de Victor Hugo lorsque, de Guernesey, il écrivait : « L’exil n’est pas une chose matérielle, c’est une chose morale. Tous les coins de la terre se valent……(…) mais l’exil existe en dehors du lieu d’exil. Du point de vue intérieur, on peut dire : il n’y a pas de bel exil. »
« La souffrance enfante les songes Comme une ruche ses abeilles », lui répond un autre géant de la littérature, un siècle plus tard.

Samira, personnage central de la pièce, qui a pris le chemin de l’exil pour rejoindre un amour où elle se perd, souffre. Elle rêve elle aussi d’un impossible ailleurs. Exils sur une autre terre pour l’étrangère, intérieur pour la malade ; solitude de l’être, -en premier lieu des femmes qui sont les seuls personnages physiquement présents dans cette pièce- avec « Femmes en quête de terres », Nadia Kaci nous fait passer insensiblement du particulier à l’universel et nous confronte aux grandes questions existentielles des femmes et des hommes d’aujourd’hui."