Novembre 2004
XVII ° Saison du Festival TransMéditerranée
Portugal, entre Méditerranée et Atlantique
“Le PORTUGAL entre Méditerranée et Atlantique”A
l'occasion du trentième anniversaire de la “Révolution
des Oeillets” en Avril 1974, le FTM a placé sa XVIIèmesaison
(2004-2005) sous le signe du Portugal.
Saluer les trente années d'une révolution où l'action
conjointe de l'armée et du peuple ont mis fin sans effusion de sang
à 48 ans de dictature et des siècles de colonisation.
Comme l'explique dans son ouvrage “Le Portugal : une île méditerranéenne
face à l'Atlantique” (Editions Thélès 2004), Pedro
dA NOBREGA : “le 25 Avril, le Portugal moderne est né,
le pays a retrouvé sa place dans le concert des Nations et a pu repartir
à la rencontre du monde”.
Pour illustrer cette page capitale de l'histoire dont les conséquences
ont entraîné une véritable renaissance pour l'un des plus
anciens pays d'Europe et la libération de plusieurs pays colonisés
d'Afrique : Angola, Mozambique, Guinée-Bissau et le Cap-Vert, le FTM
a invité diverses personnalités : des acteurs du “25 Avril”;
le plus célèbre photographe portugais, des plasticiens et un
responsable national de centres culturels :
Modesto NAVARRO, écrivain, critique littéraire
et acteur de la “Révolution des Œillets”, actuel Président
de l'Assemblée Municipale de Lisbonne,
Eduardo GAGEIRO, prestigieux photographe dont
les photos d'Avril, de Lisbonne et des massacres du Timor-Oriental ont fait
le tour du monde,
Victor DUARTE, Président de l'Association
Nationale des Centres Culturels et de Loisirs de la Sécurité
Sociale,
Pedro da NOBREGA, auteur, anthropologue, responsable
associatif en France,
César de CARVALHO, sculpteur,
Christian GONÇALVES, peintre.
Le vernissage des expositions a eu lieu au Palais des Congrès de Grasse
en présence de très nombreuses personnalités.
Modesto Navarro
Président de l’Assemblée Municipale de Lisbonne
« Le 25 avril n’est pas né de rien
»
" Alors que nous commémorons
les trente ans du 25 avril 1974, au Portugal, il est stimulant d’être
ici, avec vous, à cette occasion qui nous honore, conviés à
participer et faisant le lien entre notre pays, les Portugais et les Français,
pour une réflexion sur ce que fut le passé et le présent
de résistance, de luttes et d’évolution de nos peuples.
Au Portugal, un des premiers signaux d’organisation associative et populaire
à la fin du XVIIIè siècle, fut la création de
groupes musicaux sous l’influence stimulante de la Révolution
Française.
A partir de là, l’activité culturelle fut constamment
étroitement liée aux luttes de libération, tant dans
la Révolution Libérale de 1820 qu’au cours de tout le
XIXè siècle, avec la création d’associations culturelles,
d’éducation, mutualistes et coopératives, qui, en même
temps, apportaient des aides aux plus pauvres. Les ouvriers et les secteurs
les plus avancés de la petite et moyenne bourgeoisie créèrent
ainsi les conditions pour que le 5 octobre 1920 naisse la Révolution
républicaine qui entraîne la chute de la monarchie et d’un
régime corrompu.
En 1921, dans le contexte d’une forte influence de l’anarcho-syndicalisme
et face aux crises successives des forces républicaines et réformistes
fut créé le Parti Communiste Portugais (…)
Pendant cette nuit de 48 ans, de peurs et de répression, des figures
fascinantes ont surgi dans la culture et le combat incessant contre le régime
fasciste. Le 25 avril 1974 n’a pas surgi du néant. Il s’est
construit au cours de longues années, dans le silence, la clandestinité
et aussi dans une immense souffrance et un courage… »
Paul Euzière
Président du Festival Transméditerranée
Le Portugal, atlantique...
« (...) De l’épopée
des « Lusiades » par Camões jusqu’à la Révolution
des Œillets d’avril 1974, il est incontestable qu’une part
essentielle de la personnalité portugaise a été forgée
bien au delà de la Méditerranée, dès le XVIème
siècle par de grands navigateurs tels que Magellan, Fernão de
Magalhães et Vasco de Gama et aussi par de terribles conquérants
d’un empire colonial qui s’étendit de l’Amérique
du Sud à l’Afrique jusqu’aux Indes et à la Chine.
D’ailleurs, le Portugal d’aujourd’hui, démocratique
et moderne, est aussi né des longs et sanglants combats de libération
des colonies de Guinée-Bissau, d’Angola et du Mozambique.
En témoignent des écrivains aussi majeurs que Antonio LOBO ANTUNES
et Lídia JORGE dont les romans « Le cul de Judas » et «
Le rivage des murmures », entre autres, révèlent toute
l’inguérissable profondeur du traumatisme et de la souffrance
entraînés par ces guerres coloniales tant pour les populations
africaines que pour les Portugais.
Sous le texte de l’une des photos si parlantes de l’exposition
d’Eduardo GAGEIRO – photographe de dimension internationale dont
je salue ici la présence – Lídia Jorge, que nous recevrons
cette saison, écrit d’ailleurs : « Dans les casernes, les
icônes continuaient de dire : soldats, luttez et mourez, si nécessaire.
Quel plus grand honneur pour un enfant de la patrie que celui de verser son
sang pour l’Empire portugais ?… »
Ce poids de la guerre, on en retrouve une représentation magnifique
dans le très beau film de Manoel De Oliveira « Non ou la vaine
gloire de commander », présenté hors compétition
au Festival de Cannes en 1990, qui, au travers de l’histoire du lieutenant
Cabrita et d’une patrouille perdue de soldats portugais en Angola en
avril 1976 interroge sur le patriotisme, l’engagement colonial et les
grands moments de l’histoire du Portugal.
... et méditerranéen
C’est un autre grand nom du cinéma
portugais et du cinéma mondial, un poète aussi, surréaliste
et provocateur João César Monteiro qui nous ramène de
l’Atlantique à la Méditerranée lorsqu’il
souligne combien l’emblématique Camões et son œuvre
– en premier lieu « les Lusiades » doivent à la culture
méditerranéenne.
« Camões – nous dit-il – était très
familier de la Renaissance et donc de l’Antiquité. Le modèle
« camonien » est pétrarquien. Camões arrive à
des imitations de Pétrarque, en y ajoutant des particularismes portugais
»
La Renaissance, l’Antiquité grecque et romaine – une langue
issue du latin et un vocabulaire, à l’instar du Castillan, fortement
imprégné des mots d’origine arabe, - près d’un
millier recensés - voilà des référents qui font
du Portugal sinon un pays méditerranéen en tout cas aussi une
terre d’une incontestable « méditerranéité
».
Cette dimension méditerranéenne, le voyageur la rencontre à
chacun de ces pas, non seulement dans les monuments d’Evora ou d’ailleurs,
dans les champs d’oliviers et de vignes , mais aussi bien souvent dans
les traditions et les croyances.
Les problématiques soulevées par cette dualité atlantico-méditerranéenne
– avec, au plan anthropologique, tous les héritages qu’elle
implique – fait jusqu’à aujourd’hui l’objet
de vifs débats sur l’identité du Portugal.
Elles renvoient à de grands enjeux civilisationnels actuels qui nous
concernent pleinement. (...)
Il nous a donc paru utile d’ouvrir quelques fenêtres sur ce pays
latin auquel nous lient des pages d’histoire, des référents
culturels et – évidemment – la présence en France
de tant de familles d’origine portugaises, cap-verdiennes et lusophones
(...) »